Oh ! du moins, Volupté fatale,
Il est en toi de grands secrets
Car trop d’innocence s’exhale
Souvent en trop joyeux attraits ;
De ton délire une âme avare
Garde à tout des voiles plus beaux :
Et, comme au printemps qui répare,
Des fleurs dérobent les tombeaux.
Chaque illusion renaît vite
Au cœur sobre et longtemps sevré ;
On aime, on s’enchante, on s’irrite ;
On renage au fleuve azuré.
Oh ! du moins, Volupté pâlie,
Tu romps toute fausse lueur ;
Par toi, quelle mélancolie,
Reflet plus vrai, sinon meilleur !
Comme, après ta mordante rage
Et tes vifs aiguillons passés,
Dans la langueur qui suit l’outrage,
Le lendemain des sens lassés,
Oh ! comme alors la vue errante
Saisit le monde en un vrai jour !
Quelle lumière indifférente
Glisse, pénètre tour à tour,
Ôte son fard à chaque aurore,
Nous fait voir au changeant tableau
La fleur mourir après éclore,
Et le gravier dans la belle eau !
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