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DE JOSEPH DELORME.


Je veux ta lèvre fraiche et ta gorge brillante,
Les parfums naturels qu’exhalent tes cheveux,
Le nœud prompt et léger que fait ta main coulante…
Vite un bouquet, Marie ! et viens le faire à deux[1]. »


À LA COMTESSE MARIE


lu le 31 décembre à minuit.


Heureux qui dans Tibur, sous ses triples fontaines,
Sous l’arc-en-ciel en feu des bruissantes eaux,
Sous les grands châtaigniers des Collines romaines,
Sur les flancs reverdis des éternels tombeaux,
Grandeurs à ravir même une âme délaissée,
Heureux qui, dans ces lieux, doubla votre pensée
Et fit les cieux plus beaux !

  1. Mais, en fait de Bouquetière, voici ce que j’aime mieux et qui est du Joseph Delorme en prose :
    Traduit (ou censé traduit) d’une épigramme de l’Anthologie :

    « Charmante Bouquetière, qui es toi-même comme une fleur riante dans l’avenue des Tombeaux, tu m’offres chaque fois que je passe une couronne, et chaque fois je la prends et j’en décore le marbre de celle que je pleure et qui ornait de sa tendresse mes dernières et pâlissantes saisons. Et ce n’est pas moi seulement, tous ceux qui passent comme moi veulent prendre de tes mains les fleurs. Jamais les morts chéris, jamais les mortes, les amantes même les plus pleurées, n’ont été honorées plus pieusement ; jamais elles n’ont reçu plus de fleurs fidèles en toute saison, et jusque dans l’hiver de l’année, que depuis que toi, la fraêche Bouquetière, comme le plus léger des printemps, tu es assise, guirlandes et couronnes en main, au seuil des tombeaux. »