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DE JOSEPH DELORME.
Les Deux Faunes.

Paganisme immortel, es-tu mort ? on le dit ;
Mais Pan tout bas s’en moque, et la Sirène en rit.

Un Faune.

Le serpent d’Agnano qu’une oraison conjure
Et qu’innocent au bras on vous montre enlacé,
Est-il mieux enlacé, d’une raison plus sûre,
Ou de même l’est-il qu’au règne de Circé ?

L’autre faune.

Alors que dans Tolède[1], à tout coin, la Madone,
Saints Pascal et Janvier président au citron,
N’est-ce point, au nom près, de ces dieux en personne,
Petits dieux citadins qu’on peut voir chez Varron ?

Et les moqueurs ainsi, du propos et du rire,
En éclats redoublés qu’on n’ose tous redire,
Rehaussaient la chanson jusqu’à remplir l’écho
Des grands bois et des monts qui couronnent Vico.

Le premier faune.

Au Trésor-Saint-Janvier il est une chapelle,
Un maître-autel d’argent, sculpture solennelle
(On me l’avait conté, mais je l’ai voulu voir),
Un jour je m’y glissai tout habillé de noir ;
La calotte d’abbé cachait ma double oreille,
Et la corne du pied s’effaçait à merveille
Sous la boucle brillante et le bas violet ;
Le sacristain qui m’ouvre était, d’honneur, plus laid
Or, au plein de l’autel et sur la devanture,
En relief tout d’abord un cavalier figure :

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  1. Grande rue de Naples.