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POÉSIES

La luciole y luit, et son feu tout semé
Y fête également la nuit illuminée.

Le Pêcheur.

Si de jour nous fendons sur l’azur de ces mers
Papillons par milliers aux nageoires bleuies,
Toute la nuit aussi nos rames éblouies
Aux flots resplendissants découpent mille éclairs.

Le Pâtre.

À l’heure où chaque objet couvre en entier son ombre.
En plein midi brûlant, dans les champs dépeuplés,
Les troupeaux par instinct se resserrent en nombre,
Front contre front, vrais chefs en conseil assemblés :
L’autre jour je les vis, mais du haut d’un roc sombre.

Le Pêcheur.

À l’heure où le soleil enfle mon bras rougi,
Au bord de mon bateau je relève ma rame ;
J’étends ma voile en dais contre le ciel de flamme ;
Et si, moi sommeillant, un zéphyr a surgi,
Au lieu de voile il bat l’aviron élargi.

Et dans ce goût encor le pêcheur et le pâtre
Allaient continuer l’ébat opiniâtre,
L’un passant à louer Sorrente et l’oranger.
Et l’autre ses grands rets que le thon vient charger.
Mais tandis qu’autour d’eux plus vaguement je rêve,
Sommeil ou vision, quelque chose m’enlève,
Et je me trouve avoir, au lieu de deux humains.
Deux anciens demi-dieux, deux Faunes ou Sylvains,
Qui de flûte en leurs chants, et de rire sonore.
Et de trépignements s’accompagnaient encore.