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DE JOSEPH DELORME.


Dans les prés, modeste Génie,
Glissant d’une démarche unie,
Tandis qu’à l’autre bout, sous des cieux encor chauds,
Le soleil empourpré qui nage
Rattire à lui, renflamme en son dais de nuage
Tous ses rideaux et ses réseaux ;

À cette heure où l’air qui s’apaise
N’a rien d’ailé qui ne se taise,
Hors la chauve-souris, hirondelle des nuits,
Qui, près des vieux murs qu’on côtoie,
Repasse et bat et crie, et tempère la joie
Aux sens trop vite épanouis,

Hors le hanneton monotone
Qui, plein du faux ton qu’il bourdonne,
Dans mon sentier étroit se rue innocemment ;
— À cette heure, ô Soir, qu’il t’agrée
D’inspirer à ma voix, à ma lèvre altérée
Quelque chant qui puisse, un moment,

Qui puisse, à l’égal de tes ombres,
Des blancs coteaux aux vallons sombres
Décroître avec lenteur et fuir à l’infini ;
Dont le suave accent exhale
Le charme que réserve à l’âme pastorale
Ton retour chaque fois béni !

Car sitôt qu’au bord de ton voile
Tu fais briller la pâle étoile,
À ce tremblant signal en silence avertis,
Le chœur des Heures plus sacrées,
Les Esprits qui, le jour, aux corolles dorées
Sommeillaient, en foule sortis