Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/248

Cette page a été validée par deux contributeurs.
238
POÉSIES


L’échanson noir, dans le festin antique,
Versait un vin sombre et noir comme lui ;
Le blond enfant, à la blanche tunique,
Verse un vin clair pour le cœur réjoui.

Mais si tous deux, dans une même coupe,
Versaient ensemble avec un soin jaloux,…
Brune aux yeux bleus, ah ! ce philtre qu’on coupe
Et qu’on redouble, est un poison trop doux !


XIX


D’autres amants ont eu, dans leur marche amoureuse,
Les sentiers plus fleuris, la trace plus heureuse,
Plus facile et riante et conforme au plaisir.
Les lieux de rendez-vous qu’ils se pouvaient choisir,
En des berceaux couverts, ou le long des allées,
Conviaient, conduisaient leurs attentes voilées,
Leur envoyaient au front mille et mille senteurs,
Et faisaient autour d’eux les oiseaux plus chanteurs.
Tantôt, en plein midi, quand la chasse brillante,
En feu sous le soleil et déjà ruisselante,
N’avait d’yeux qu’à la meute et qu’au cerf relancé,
La beauté, comme lasse, au franchir d’un fossé,
S’égarait, et glissait du palefroi fidèle
Dans les bras de celui qui ne suit que pour elle ;
El l’aboiement lointain, la fanfare et les cris,
N’étaient plus qu’un accord à des soupirs chéris.