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APPENDICE

(Voir page 95. — Article sur Salammbô.)

Je donnerai ici, comme je l’ai promis, la lettre détaillée que M. Gustave Flaubert m’a adressée à l’occasion de mes articles sur son livre. Je me contenterai de faire remarquer que, pendant les trois semaines dans l’intervalle desquelles parurent ces articles, je le rencontrai plus d’une fois à dîner ou en soirée chez des amis ; nos rapports d’amitié et de cordialité n’en souffrirent en rien, et il me dit seulement qu’il m’écrirait une longue lettre pour sa justification, lorsque j’en aurais fini de mes objections et de mes critiques. C’est cette lettre qu’on va lire.

« Décembre 1862.
« Mon cher maître,

« Votre troisième article sur Salammbô m’a radouci (je n’ai jamais été bien furieux). Mes amis les plus intimes se sont un peu irrités des deux autres ; mais, moi, à qui vous avez dit franchement ce que vous pensez de mon gros livre, je vous sais gré d’avoir mis tant de clémence dans votre critique. Donc, encore une fois, et bien sincèrement, je vous remercie des marques d’affection que vous me donnez, et, passant par-dessus les politesses, je commence mon Apologie.

« Êtes-vous bien sûr, d’abord, — dans votre jugement général, — de n’avoir pas obéi un peu trop à votre impression nerveuse ? L’objet de mon livre, tout ce monde barbare oriental molochiste vous déplaît en soi ! Vous commencez par douter de la réalité de ma reproduction, puis vous me dites : « Après tout, elle peut être vraie ; » et comme conclusion :