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À LA PRINCESSE

vœux et mes regrets ; il m’a paru tout à fait jeune et en train de revivre.

Je suis fort touché du souvenir de la reine[1] gracieuse qui a daigne songer à un absent. Pour moi, je me rappelle une soirée au Palais-Royal où ce pauvre docteur Bayer et moi nous avons tenu tête à cette spirituelle Majesté dans l’absence de tous les fumeurs. Il n’y avait que nous deux d’hommes dans le salon. Dans ces cas-là, on fait ce qu’on peut. Où est ce temps ? où en sont les deux causeurs[2] ?…

Des deux morts dont vous me parlez, Princesse, il y en avait un à qui le public, à tort ou à raison, reconnaissait une qualité qui paraît bien simple : il savait que 2 et 2 font 4, et on ne lui faisait pas dire que cela faisait 5[3]. Si on le regrette, c’est parce qu’il avait ce mérite-là. Il paraît que, quand il s’agit des finances publiques, il y a des gens qui calculent autrement et qui inventent une arithmétique.

  1. La reine des Pays-Bas.
  2. Le docteur Bayer est mort le 10 septembre 1867.
  3. M. Achille Fould, qui venait de mourir à Tarbes le 5 octobre 1867.