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LETTRES

pleins, et qu’il vaut mieux, pour penser et sentir tranquillement, se soustraire aux occasions de parler.

J’aurais voulu convaincre Votre Altesse qu’il s’agit pour moi, depuis un certain temps déjà, d’accepter nettement et pleinement la situation qui m’est faite, de l’accepter comme définitive et de me retourner en conséquence. Il m’est évident que, par une cause ou par une autre, je ne suis plus considéré comme un ami en certain lieu, ni traité comme tel, avec les égards qui sont dus même de haut (et en ne me surfaisant moi-même en rien, je vous jure) ; il n’y a même jamais eu, par rapport à moi, cette bienveillance attentive et bien informée[1], la seule qui compte ; et je puis dire qu’il n’est pas une autre personne dans ma situation qui n’eût ressenti cette négligence absolue autant et plus, oui certainement plus que je ne le fais. Car on

  1. M. Sainte-Beuve n’a jamais eu qu’une fois l’occasion de causer en tête-à-tête avec Napoléon III, et il en reçut un compliment qui témoignait en effet de plus de politesse que d’information littéraire : « Je vous lis toujours dans le Moniteur, lui dit le souverain… » Il y avait deux ou trois ans que les Nouveaux Lundis paraissaient dans le Constitutionnel.