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sorte. Quoi ! on aurait désiré plus que tout une personne aimable et adorée, on l’aurait désirée durant des saisons, et elle-même aurait fait quelque chose pour attiser ce désir et ne pas le laisser se décourager ; et, après des saisons passées, lorsque l’heure de trop tard a sonné, on pardonnerait la mort de ce divin bonheur qui avait été espéré ou montré du moins, et que des raisons secondaires ont laissé perdre — pour toujours !

Il est insensé, il est véritablement imprudent (dans l’ordre des affections), il est coupable de laisser passer certains moments uniques dans la vie, certaines rencontres et conjonctions d’étoiles, certains printemps : laisser perdre de tels moments qui ne reviendront jamais, c’est tenter la destinée, c’est violer la ten-