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Tenant sa main que je n’ose baiser,
Dans ma tendresse essayant d’apaiser
Son âpre veine,
Quand j’ai senti passer un brusque effroi,
Et ce beau sein ressaisi d’une peine
Qui n’est pas moi,

Comment chanter ? — Mais si la belle aimée
S’est adoucie et par degrés calmée,
Si sa pâleur
N’est plus qu’un charme où sourit l’amour même ;
Sans s’irriter, si sa molle douleur
Permet : Je t’aime !

Si son regard le plus lent, le plus fin,
Envoie au mien, dans un oubli divin,
L’âme sacrée,
Et si sa lèvre, enflant ses beaux trésors,
Semble mûrir pour l’heure désirée,
On chante alors ;

On chante un peu, comme après une pluie
L’oiseau mouillé dont l’aile se ressuie
Sous un rayon ;
On chante aussi comme un rayon qui tremble,
Qui craint qu’au ciel le fuyant tourbillon
Ne se rassemble.

Que si l’amie, heureuse d’écouter,
Osait encore après moi répéter
Ce mot : Je t’aime !