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Lundi, 1er décembre 1851.



MADAME DE MOTTEVILLE


Reposons-nous un moment avec madame de Motteville, l’auteur des judicieux Mémoires, avec cet esprit sage et raisonnable qui a vu de près les choses de son temps, qui les a appréciées et décrites dans une si parfaite mesure, avec une si agréable justesse. Lorsque les Mémoires de madame de Motteville parurent pour la première fois en 1723, les journalistes et critiques du temps, en y louant le ton de sincérité, jugèrent qu’il y avait trop de détails minutieux, trop de petits faits. Ce n’était pas seulement l’opinion du Journal de Trévoux ou du Journal des Savants, c’est celle de Voltaire lui-même. Aujourd’hui, nous ne pensons plus ainsi. Ces petits faits, qui appartiennent à un ancien monde disparu, et qui nous le représentent dans une entière vérité, nous plaisent et nous attachent : à une distance médiocre, ils pouvaient sembler surabondants et superflus ; à une distance plus grande, ils sont redevenus intéressants et neufs. Et d’ailleurs, si madame de Motteville, se tenant à son rôle de femme, ne disant que ce qu’elle a appris par elle-même ou de bonne source, n’essaye pas de pénétrer les secrets du cabinet (dont elle devine pourtant très-bien quelques-uns), elle nous peint au naturel l’esprit général des situations et le caractère moral des personnages : c’est ce côté durable que le