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CAUSERIES DU LUNDI.

cela est imprimé et publié, je ne vois pas pourquoi j’en ferais mystère, car il n’y a pas deux manières de publier. Ces deux noms de femmes, qui honorent la liste de la Société des Bibliophiles, sont ceux de Mme Gabriel Delessert et de Mme la vicomtesse de Noailles ; et, pour être indiscret jusqu’au bout, j’ajouterai que ce n’est point la première qui est l’auteur de la Notice sur la duchesse de Bourgogne, Notice qui est à la fois d’un membre de la Société et d’une femme. Devinez maintenant, si vous l’osez.

Marie-Adélaïde de Savoie, duchesse de Bourgogne, qui fut mariée au petit-lils de Louis XIV, et qui fut la mère de Louis XV, a laissé un bien gracieux souvenir après elle. Elle a passé dans le monde comme une de ces vives et rapides apparitions que l’imagination des contemporains se plaît à embellir. Née en 1685, fille du duc de Savoie, qui lui transmit de son habileté et peut-être de sa ruse, petite-fille par sa mère de cette aimable Henriette d’Angleterre dont Bossuet a immortalisé la mort, et dont elle semblait ressusciter le charme, elle vint en France à l’âge de onze ans, pour y épouser le duc de Bourgogne qui en avait treize (1696). Le mariage se fit l’année suivante, mais pour la forme seulement, et pendant quelques années on ne s’occupa que de l’éducation de la jeune princesse. Mme de Maintenon s’y appliqua avec tout le soin et toute la suite dont elle était si capable. Il ne tint pas à elle que la duchesse de Bourgogne ne devînt la plus exemplaire des élèves de Saint-Cyr. La vivacité et les saillies de la princesse dérangeaient bien un peu parfois des conseils si bien concertés par la prudence, et elle sortait à tout moment du cadre qu’on voulait lui faire. Pourtant elle profitait à travers tout ; le sérieux se glissait jusque dans les plaisirs. Ce fut pour elle qu’on représenta dans l’appartement de Mme de