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CHATEAUBRIAND.

misères, à moi qui n’ai jamais cru au temps où je vivais, à moi qui appartenais au passé, à moi sans foi dans les rois, sans conviction à l’égard des peuples, à moi qui ne me suis jamais soucié de rien, excepté des songes, à condition encore qu’ils ne durent qu’une nuit !… » Pauvres songes, c’est fort heureux pour eux ! Et la religion, s’il vous plaît, où est-elle dans tout cela ? Vous l’avez oubliée cette fois par mégarde, même dans vos songes. Et la société ! vous ne l’oubliez pas moins, vous la mettez à néant, vous qui avez, pendant près de vingt ans, brigué l’honneur de la conduire ! Mais elle a droit, cette société, de demander au moins le sérieux de leur ambition à ceux qui veulent être ses guides et ses pilotes.


NOTE.

Au moment où cet article est écrit, les journaux anglais publient le Codicille du Testament de sir Robert Peel, qui a rapport à la publication de ses Mémoires et papiers d’État. On y verra, dans un contraste frappant, la différence des procédés d’un homme d’État véritable et de ceux d’un homme politique littéraire, l’un apportant aux choses toute discrétion et maturité, et l’autre se hâtant de divulguer avant l’heure tout ce qu’il croit propre à le rehausser, sans souci aucun des convenances de gouvernement ou de celles qui concernent les personnes. Ce Codicille de sir Robert Peel est, par le fait, la critique la plus sensible du procédé qui a présidé à la publication du Congrès de Vérone. En voici les termes textuels :

« Je donne et livre à l’honorable Philippe-Henri Stanhope, autrement dit le vicomte Mahon, et à Edward Cardwel, de White-Hall, membre du Parlement, mes exécuteurs, administrateurs ou mandataires, toutes les lettres inédites, les papiers et documents d’un caractère public ou privé, imprimés ou manuscrits, dont je pourrai être possesseur à ma mort. Considérant que la collection de ces papiers et de ces lettres renferme toute ma Correspondance confîdentielle, qui remonte à 1812 ; que, pendant une portion considérable de cette période de temps, j’ai été employé au service de la Cou-