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MADAME DE POMPADOUR.

Louis XIII, le mot de Louis XV est presque touchant de sensibilité.

Les arts ressentirent avec douleur la perte de Mme de Pompadour, et consacrèrent sa mémoire ; ils avaient espéré un moment sa convalescence, et ils ne firent que se montrer reconnaissants. Si Voltaire, écrivant de Mme de Pompadour morte à ses amis, disait : Elle était des nôtres, à plus forte raison les artistes avaient droit de le dire. Mme de Pompadour était elle-même un artiste distingué. Directement, et par son frère, M. de Marigni, qu’elle avait fait nommer à la Surintendance des bâtiments, elle exerça la plus active et la plus heureuse influence. À aucune époque, l’art ne fut plus vivant, plus en rapport avec la société, qui s’y exprimait et s’y modelait de toutes parts[1]. Rendant compte du Salon de 1765, Diderot rencontrait d’abord un tableau allégorique, où Carle Vanloo représentait les Arts désolés et suppliants qui s’adressent au Destin pour obtenir la conservation de la marquise : « Elle les protégeait en effet, dit le critique ; elle aimait Carle Vanloo ; elle a été la bienfaitrice de Cochin ; le graveur Gai avait son touret chez elle. Trop heureuse la nation si elle se fût bornée à délasser le souverain par des amusements, et à ordonner aux artistes des tableaux et des statues ! » Et après avoir décrit le tableau, il conclut un peu rudement, ce semble :


« Les Suppliants de Vanloo n’obtinrent rien du Destin, plus favorable à la France qu’aux Arts. Mme de Pompadour mourut au mo-

  1. Sur ce chapitre de l’art et des artistes du xviiie siècle au point de vue du goût Pompadour, je ne puis que rappeler une quantité de gracieux portraits littéraires de M. Arsène Houssaye, qui, dès longtemps, a fait de cette étude riante comme son domaine. Dans ce moment, je sais que je chasse en quelque sorte sur ses terres ; mais ce n’est pas sans lui en avoir demandé l’agrément.