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CAUSERIES DU LUNDI.

a pu le cardinal de Retz, en qui il voyait un spirituel brouillon de ce temps-là, assez pareil à d’autres brouillons qu’il désignait de ce temps-ci. Il est difficile de croire que cette sorte d’inimitié personnelle contre Retz ne l’ait pas entraîné à quelques excès en sens contraire ; tout ce que Retz met en relief, par exemple, il affecte de l’éteindre et de l’effacer. Le détail de ce procès historique serait à examiner de très-près. Mais il est du moins devenu impossible de se faire désormais une idée complète de cette époque de la Fronde sans écouter le témoignage, le rapport habile et si bien dressé de M. Bazin.

Le volume qui contient ses Notices biographiques et littéraires renferme peut-être ce qu’il a écrit de plus vraiment distingué et de plus parfait. Ici sa manière s’aiguise tout à fait et se dégage. Si elle avait encore gardé un peu de la façon académique et presque rhétoricienne dans les débuts de son Histoire[1], elle n’offre plus, sous cette forme de critique, qu’une correction élégante, où le piquant de l’esprit domine. Il ne se peut imaginer de biographie de Henri IV plus épigrammatique d’un bout à l’autre que celle qu’a tracée M. Bazin : c’était à faire à un écrivain royaliste d’écrire de telles choses sur le premier roi Bourbon. J’aime bien mieux pourtant son morceau excellent sur Bussy-Rabutin, sujet moins élevé et où un tel genre d’esprit était plus de mise. M. Bazin a très-bien compris, dans ce curieux exemple du cousin de Mme  de Sévigné, tout ce qu’on

  1. Par exemple, en mars 1612, deux ans après la mort de Henri IV, à l’occasion du double mariage annoncé entre les Maisons de France et d’Espagne, l’historien nous montre le deuil public faisant place à des fêtes « où allait se réveiller cette passion du luxe, de l’éclat et du plaisir, si longtemps ensevelie sous la triste livrée du regret. »