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M. BAZIN.

main. M. Bazin était un des plus fameux et des plus destinés aux couronnes. Les événements de 1814 interrompirent brusquement ces joutes universitaires. M. Bazin avait dix-sept ans ; il épousa vivement la Restauration et entra dans les gardes-du-corps.

Il fit tout ce que purent faire les gardes-du-corps en 1814, dans cette première et courte Restauration, et il alla sans doute, comme les autres, escorter les princes fugitifs jusqu’à Béthune. Cette année dut lui être féconde et lui profiter en ironie et en expérience. Après les Cent-Jours, il ne reprit pas de service et se voua sérieusement à la profession d’avocat. Il parait avoir aimé cette profession, où il conquit l’estime et se fit considérer ; il en garda quelques amis de jeunesse, parmi lesquels on me cite MM. Baroche, Delangle et Bethmont. Dans les esquisses de mœurs qui composent son Époque sans nom, il émousse son épigramme quand il arrive au Palais-de-Justice. Il remarque que nulle part il ne se rencontre plus de cordialité, plus de facilite de commerce et d’égalité véritable qu’entre avocats : « Nulle part, dit-il, la réputation, l’âge, le talent, ne font moins sentir leur supériorité et n’exigent moins de déférence que dans cette corporation singulière où les relations sont presque toujours hostiles. » Pourtant, avec tous les mérites solides et fins qu’il allait posséder, et en partie à cause de ces mérites mêmes, il manquait de ce qui procure le succès au barreau ; quand il avait donné les bonnes raisons en bons termes, il ne savait pas se répéter et au besoin en trouver d’autres : « Le juge y compte, dit-il malicieusement ; et peut-être l’avocat qui serait le plus disposé à s’en corriger, est-il obligé de reproduire une seconde série des mêmes raisonnements, quand il voit que le tribunal n’a pas écouté la première. Un autre obstacle encore à la concision des plaidoiries, c’est l’exigence du