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CAUSERIES DU LUNDI.

petit corps très-bien taillé et très-joli, ce n’était qu’esprit, grâce, saillie et sel pur ; la gaieté du masque couvrait bien du bon sens et des idées profondes. En 1748, Galiani, âgé de vingt ans, devint célèbre dans son pays par une plaisanterie poétique, une Oraison funèbre du bourreau qui venait de mourir : c’était une parodie burlesque des Éloges académiques, encore plus emphatiques en Italie qu’ailleurs. Les académiciens de Naples, tournés en ridicule, firent un éclat qui augmenta le succès de l’ingénieuse satire. Galiani, vers ce temps, se livrait aux études les plus sérieuses : il publiait à vingt et un ans un livre sur la monnaie ; il rendait à un savant illustre, alors très-vieux et presque aveugle, à l’abbé Intieri, le service de décrire en son nom, dans un petit traité substantiel et tout positif, un procédé nouveau pour la conservation des grains. Il s’occupait aussi d’antiquités et d’histoire naturelle. Ayant fait une collection des pierres et matières volcaniques vomies par le Vésuve, non sans y joindre une dissertation savante, il en fit présent au pape Benoît XIV, qui ne fut point ingrat. Sur l’une des caisses d’envoi à l’adresse du Très-Saint-Père, Galiani avait eu soin d’écrire ces mots de l’Évangile : « Fais que ces pierres deviennent des pains : Fac ut lapides isti panes fiant. » L’aimable Benoît XIV comprit à demi-mot, et, en échange de ces pierres, il donna à Galiani un bénéfice. L’oncle archevêque lui en avait déjà procuré plus d’un. Ce petit homme de quatre pieds et demi, si gai, si fou, si sensé et si savant, était donc abbé mitré et avait titre monseigneur.

Il vint à Paris en 1759 en qualité de Secrétaire d’ambassade, et, à part de courtes absences, il y résida jusqu’en 1769, c’est-à-dire pendant dix années : il ne comptait avoir vécu d’une vraie vie que durant ce temps-là. Remarqué dès le premier jour pour la singularité de