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M. DE BROGLIE.

les dépêches, aujourd’hui publiées, montrent qu’eu égard aux circonstances d’alors et aux termes dans lesquels le problème était posé, il ne les dirigea point sans fermeté, ni sans un juste sentiment de la dignité de la France. En même temps, l’autorité qui s’attachait à sa bonne foi rendait ses promesses plus sûres, ses garanties plus significatives ; sa parole était de celles dont, même en diplomatie, on ne doutait pas. Son opinion pesa pour beaucoup dans la décision du siège d’Anvers. Ce ne fut pas la seule preuve de vigueur qu’il donna. Dans l’été de 1833, une conférence avait eu lieu à Munchen-Graetz, en Bohême, entre les souverains de Russie, de Prusse et d’Autriche, et leurs principaux ministres ; il en était résulté un concert assez menaçant pour nous. Les puissances avaient signifié que, si elles croyaient avoir à secourir leurs alliés (il s’agissait surtout de l’Italie), elles le feraient sans tenir compte de l’opposition de la France, et elles donnaient à entendre qu’une intervention armée de sa part serait considérée comme une hostilité directe contre chacune d’elles. M. de Broglie reçut cette communication qui lui fut faite par les ambassadeurs des trois Cours, et par chacun sur un ton un peu différent ; il y répondit en des termes parfaitement assortis : « De même, disait-il dans sa Circulaire destinée à informer nos agents du dehors, de même que j’avais parlé à M. de Hugel (chargé d’affaires d’Autriche) un langage roide et haut, je me suis montré bienveillant et amical à l’égard de la Prusse, un peu dédaigneux envers le cabinet de Saint-Pétersbourg. » On a quelquefois reproché à M. de Broglie de porter dans les affaires quelques-unes de ces formes, de ces habitudes peu liantes ; mais ici on conviendra que l’usage n’en était pas déplacé[1].

  1. On peut voir dans l’ouvrage de M. d’Haussonville (Histoire