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M. DE BROGLIE.

et de bannissement. Sur les questions de liberté individuelle, de liberté de presse, de 1816 à 1820, il insista toujours pour les solutions les plus libérales. Il apportait dans ces discussions une grande connaissance de la matière, la science de l’histoire, des rapprochements lumineux avec la législation anglaise, qu’il possédait à fond et dans les moindres particularités, un esprit véritablement législatif, qui ne s’en tient pas aux vues générales, mais qui se plaît à entrer dans le dispositif des lois, à en examiner le mécanisme, et qui invente au besoin des moyens et des ressorts nouveaux. C’est encore là un des traits caractéristiques de M. de Broglie. Il a l’esprit naturellement tourné au droit, à la jurisprudence ; en même temps qu’il aime à remonter aux principes, il excelle à suivre et à distinguer les applications et les conséquences, à raisonner sur les cas divers et les espèces, à y pourvoir en détail ; il a le goût du droit. En ce qui est de système de procédure civile ou pénale, comme aussi en fait d’économie politique, il a eu, en causant, toutes sortes d’idées ingénieuses au service de ses amis qui s’occupaient de ces matières, et il leur a suggéré bien des vues fines de détail. Dans ce sens et en présence des choses, il se pique d’être un homme pratique, et il l’est certainement. Là où il l’est moins, c’est en présence des hommes.

Au moment de la retraite du ministère Dessoles, M. de Serre, avec qui il était étroitement lié, essaya de l’attirer dans le cabinet qui se formait sous la présidence de M. Decazes. C’est à dater de ce moment, je le crois, qu’on pourrait apercevoir non pas une diminution, mais une combinaison nouvelle dans le libéralisme de M. de Broglie : il tiendra désormais plus de compte de ce qu’on appelle dans le style politique l’élément gouvernemental. Il vota, en juin 1820, pour le nouveau système