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BARNAVE.

confiante à laquelle n’échappe aucune noble jeunesse, il voulut user d’abord de cette espèce d’infiuence qu’ils paraissaient lui accorder, pour tenter de les réunir : « Ainsi, dit-il, je fis de vains efforts pour rapprocher Mounier et l’abbé Sieyès, entreprise bien digne d’un jeune homme à l’égard de ces hommes impérieux, qui étaient arrivés pour faire prévaloir des systèmes opposés. »

Lui-même il se forma vite et se décida sur la ligne à suivre. On l’avait considéré d’abord comme l’aide-de-camp de Mounier, il fit ce qu’il fallait pour se détacher et paraître lui-même. Selon lui, « Mounier et ses partisans semblaient ne s’être point aperçus qu’il y eût une révolution ; ils voulaient construire l’édifice avec des matériaux qui venaient d’être brisés. » Ce groupe d’hommes honorables, mais obstinés, rencontra vite des obstacles insurmontables, et ils abdiquèrent. En dehors d’eux, trois systèmes dès lors étaient en présence : le premier visait à régénérer le pouvoir monarchique en changeant la personne du monarque : c’était la secrète pensée du parti d’Orléans. Le second système, qui ne réunissait encore qu’un petit nombre d’adeptes, tendait déjà à substituer au pouvoir monarchique le gouvernement républicain. Enfin, le troisième système, qui était alors celui du plus grand nombre, consistait à conserver tout à la fois le trône et celui qui l’occupait, et « à renouveler toutes les autres parties en les prenant pour ainsi dire en sous-œuvre, et en les plaçant à l’abri de cette pièce principale. » C’est à ce dernier parti que Barnave se rallia franchement, sans arrière-pensée ; mais sa marche ne fut pas exempte d’entraînements, de déviations et d’erreurs. Il se lia dès les premiers mois avec Duport et avec les Lameth, et, jusqu’à la fin, cette étroite liaison subsista sans s’affaiblir. Il appelle ces amis de