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MAZARIN

d’État, d’excellents jugements des hommes, les menus propos du jour, tout enfin, j’imagine, excepté de la grandeur. M. de Laborde a réussi dans son apologie de Mazarin, en ce sens qu’après l’avoir lu on emporte de l’esprit du ministre, de ses qualités aimables et puissantes, une idée fort présente et fort vive, égale à tout ce qu’on en pouvait penser déjà. Je désirerais pourtant que, dans le nouveau choix qu’il doit faire en réimprimant, l’auteur réduisît ses citations et ses notes à ne jamais signifier plus qu’elles ne prouvent en effet, et qu’il n’avançât rien que ne pût avouer une critique impartiale et précise. Je désirerais qu’il traitât moins légèrement Retz, Saint-Évremond, et en général tous les adversaires, qu’il ne méprisât pas si fort même les sots Mémoires de La Porte. La Porte est un valet de chambre qui a laissé des Mémoires, non pas du tout d’un homme d’esprit, mais d’un honnête homme, et il n’y a pas de sots Mémoires de valet de chambre pour la postérité. C’est à ces conditions, selon moi, c’est moyennant ces précautions légères, qu’aura gain de cause, auprès même des plus exigeants, ce travail agréable et déjà si goûté, dont je n’ai pu signaler qu’un point essentiel, et qu’anime dans toutes ses parties un heureux sentiment des arts.