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CAUSERIES DU LUNDI.

surtout la maison de Toulouse et la Supérieure de deux accusations graves : 1° d’avoir donné asile à deux ecclésiastiques, poursuivis pour avoir résisté aux ordres du roi dans l’affaire dite de la Régale ; 2° d’avoir une imprimerie clandestine, d’où sortaient, au moment voulu, des placards, et même de petits pamphlets théologiques, qui se répandaient dans tout le midi de la France. On supposait que les Filles mêmes de l’Enfance avaient été façonnées à ce travail d’imprimerie. Notez qu’aucun étranger n’était admis dans l’intérieur de la maison, que tout ce petit monde était absolument dans la main de la Supérieure, et que celle-ci, malgré la rigueur dont on l’accusait, s’était fait tellement aimer de ses filles, qu’elle semblait capable de leur imposer le plus exact secret. Un secret gardé par plus de deux cents filles ! ce devait être une habile femme que Mme  de Mondonville. Il fallut donc du temps et de l’artifice pour s’informer avant de frapper. Il ne paraît pas, néanmoins, qu’on soit jamais arrivé, touchant les faits mystérieux qu’on soupçonnait, à une conviction bien établie et bien authentique ; mais le soupçon suffisait déjà. Cette suppression entrait d’ailleurs dans les plans de Louis XIV, lequel, exposant ses maximes d’État pour l’instruction particulière de son fils, a écrit : « Je m’appliquai à détruire le Jansénisme et à dissiper les Communautés où se formait cet esprit de nouveauté, bien intentionnées peut-être, mais qui ignoraient ou voulaient ignorer les dangereuses suites qu’il pourrait avoir. » La destruction de l’Institut de l’Enfance, plus ou moins retardée, n’était qu’une des applications et des conséquences de cette politique fixe de Louis XIV.

Le 12 mai 1686, quand sortit l’Arrêt du Conseil qui décrétait cette destruction, l’Institut était en pleine prospérité : la maison de Toulouse avait des ramifications