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CAUSERIES DU LUNDI.

hâte d’ajouter : « La seule chose dont je doute, c’est que cette affaire soit allée aussi loin qu’on le croit, et je suis convaincue que cette intrigue s’est passée en regards, et en quelques lettres tout au plus. »

Madame Henriette d’Angleterre, duchesse d’Orléans et grand’mère de la duchesse de Bourgogne, disait, au moment de mourir, à Monsieur, à qui elle était suspecte : « Hélas ! Monsieur, vous ne m’aimez plus, il y a longtemps ; mais cela est injuste ; je ne vous ai jamais manqué. » La duchesse de Bourgogne mourante eût-elle pu dire de même au duc de Bourgogne, si celui-ci s’était avisé d’être soupçonneux autant qu’il était confiant ? Question, encore une fois, bien chatouilleuse et délicate ! Chaque lecteur, et surtout chaque lectrice, n’a qu’à y rêver.

Une chose ne laissa pas de donner beaucoup à penser. À l’article de la mort, ayant à faire sa confession générale, la duchesse de Bourgogne refusa tout net le Père de La Rue, son confesseur ordinaire, et en désira un autre. S’il est permis d’appliquer l’examen à de telles matières, on en peut seulement conclure qu’elle n’avait pas tout dit chaque fois bien en détail au Père de La Rue, et qu’il lui coûtait trop d’avoir à réparer avec lui ces omissions légères dans une confession générale, telle que la commande à la conscience des mourants l’approche du moment suprême. Et puis elle ne se confiait peut-être pas assez à sa fidélité de confesseur et à sa discrétion du côté du roi pour lui tout dire.

Ce que Saint-Simon ne dit pas et qui n’est que piquant, c’est que le duc de Fronsac, depuis maréchal de Richelieu, qui mourut en 1788, et qui fut présenté à la Cour en 1710 (il n’avait alors que quatorze ans), avait eu aussi l’honneur de faire parler de lui à l’occasion de la duchesse de Bourgogne. Ce fut l’aventure de début de ce