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LA DUCHESSE DE BOURGOGNE

qui il arrivât de s’enivrer. La duchesse de Bourgogne elle-même, en entrant dans un tel monde, eut peine à ne pas donner quelquefois dans ces vices du temps, dans ces travers dont le lansquenet était le plus affiché et le plus ruineux. Plus d’une fois le roi ou Mme de Maintenon durent payer ses dettes.



« Je suis au désespoir, ma chère tante, écrivait-elle à Mme de Maintenon (mai 1700), de faire toujours des sottises, et de vous donner lieu de vous plaindre de moi. Je suis bien résolue de me corriger et de ne plus Jouer à ce malheureux jeu qui ne sert qu’à nuire à ma réputation et à diminuer votre amitié, ce qui m’est plus précieux que tout. Je vous prie, ma chère tante, de n’en point parler, en cas que je tienne la résolution que j’ai prise. Si j’y manque une seule fois, je serai ravie que le roi me le défende, et d’éprouver ce qu’une telle impression peut faire contre moi sur son esprit. Je ne me consolerai jamais d’être la cause de vos maux, et je ne pardonnerai point à ce maudit lansquenet. Pardonnez-moi donc, ma chère tante, mes fautes passées… Tout ce que je souhaiterais au monde, ce serait d’être une princesse estimable par ma conduite, ce que je tâcherai de mériter à l’avenir. Je me flatte que mon âge n’est pas encore trop avancé, ni ma réputation assez ternie, pour qu’avec le temps je n’y puisse parvenir. »


Elle demandait son pardon avec tant de bonne grâce et de soumission par lettre, avec tant de gentillesse et de folâtrerie de vive voix, qu’elle était bien sûre de l’obtenir.

Ceux qui l’ont jugée avec le plus de sévérité conviennent d’ailleurs qu’elle se corrigea avec l’âge, et que sa volonté, son rare esprit, le sentiment du rang qu’elle allait tenir, triomphèrent, sur la fin, de ses impétuosités premières et de ses pétulances : « Trois ans avant sa mort (écrit la duchesse d’Orléans, mère du Régent, honnête et terrible femme qui dit crûment toute chose), la Dauphine s’était entièrement changée à son avantage ; elle ne faisait plus d’escapade, et ne buvait plus à