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Lundi 15 octobre 1849.
DE LA QUESTION DES THÉÂTRES
ET DU
THÉÂTRE-FRANÇAIS EN PARTICULIER.

Une loi sur les théâtres s’élabore en ce moment. Un projet est soumis au Conseil d’État et va l’être à l’Assemblée. Je n’ai pas à m’occuper des dispositions de ce projet ni à les discuter ; mais il s’agit d’une matière qui prête à bien des observations littéraires, morales, et je tâcherai d’en toucher quelques-unes.

Les doctrines absolues en toute chose ont rencontré leurs limites, et les bons esprits commencent à s’éclairer par l’expérience. La liberté absolue des théâtres a des inconvénients et des dangers frappants. On ne saurait, dans aucun cas, assimiler cette liberté à la liberté absolue de la presse. Un théâtre offre aux yeux en même temps qu’aux oreilles quelque chose de vif, de sensible, d’immédiat ; il peut en résulter des conséquences telles, que les pouvoirs publics aient à y intervenir à chaque instant, comme on a le droit d’éteindre un incendie. Même en matière de presse, d’ailleurs, le gouvernement, en laissant la plus grande liberté possible, se réserve un organe à lui, un Moniteur. En matière de théâtre, le gouvernement, même en accordant toutes les facilités de concurrence, cesserait-il d’avoir des