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différents, Pariset ne professa point tout à fait, dans la même rigueur, les mêmes idées dont la source première remontait à la société d’Auteuil et à Cabanis. Il dut être plus hardi à l’Athénée, plus circonspect aux Bonnes-Lettres ; les fluctuations se ressentirent des temps et des rivages. Il appliquait plus ou moins cette doctrine du secret dont nous l’avons vu chercher à se pénétrer de bonne heure. Mais ce qu’il savait être surtout dans ces Leçons, c’était un improvisateur animé, intéressant, pittoresque, anatomiste avec feu devant les gens du monde, décrivant les appareils des sens d’une manière visible, les développant de l’expression et du geste, poursuivant du doigt dans l’espace les moindres filets nerveux, les fibres les plus ténues, déroulant à n’en pas finir des considérations peu précises, peu concluantes, mais ingénieuses souvent et déliées comme leurs objets. Ses Leçons, en tout, étaient un agréable spectacle, et Pariset, dans ses chaires d’Athénée, semblait la définition vivante de l’homme disert.

Ce n’est pas tout à fait la même chose que d’être éloquent. Mais Pariset avait assurément une faculté rare, à laquelle il n’a manqué que d’être plus contenue à temps pour acquérir toute sa force et tout son ressort. En 1819, il désira de faire partie du Conseil des prisons : « Vous savez mes desseins relativement aux prisonniers, écrivait-il à un de ses amis ; j’ai dans la tête un Petit Carême à leur usage, et une voix intérieure me dit que je ferai en ce genre ce qu’on n’a jamais fait, de vraies conversions au bien. » Ce Petit Carême qu’il avait dans la tête resta, comme tant d’autres de ses idées, à l’état de projet. Il y avait bien dans la phrase de Pariset quelque chose, en effet, de l’abondance de Massillon. Mais, prenez garde ! ce sont les défauts de Massillon qui deviennent ici les qualités de Pariset. Il y a quelqu’un à qui