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sentent le cœur brisé, et il leur parut que ce serait un crime d’exterminer une cité qui avait produit de tels hommes. » Voilà ce qu’on trouverait à chaque page dans Plutarque, et il fournirait, à lui seul, de quoi rendre vivante et sensible par des exemples toute l’antiquité dont on aurait besoin. On arriverait même, j’en suis sûr, en sachant s’y prendre, à faire pleurer avec le Priam d’Homère, et à faire applaudir Démosthène.

Pour nous borner et en revenir au fait présent, les Lectures publiques existent à Paris, elles ont commencé dans des circonstances, ce semble, défavorables ; elles en ont triomphé. Elles n’ont eu jusqu’ici aucun inconvénient, et elles présentent déjà de bons résultats, qui ne sont qu’une promesse de ce qu’on pourrait en attendre. C’est un germe qui, évidemment, ne demande qu’à vivre. On me dit que les hommes éclairés du ressort de qui elles dépendent à l’Instruction publique songent à les développer et à les perfectionner. On ne serait pas éloigné, ajoute-t-on, de l’idée de les concentrer en un seul lieu, afin d’obtenir un résultat plus saillant. Si tel était le projet en effet, je crois que ce serait une faute. On aurait ainsi plus de façade et moins de fond. N’imitons pas les Gouvernements qui ont précédé et qui trop souvent, ayant bâti une façade spécieuse, s’en tenaient là, la montraient aux Chambres et croyaient avoir tout fait. Les lieux assignés aux Lectures sont un point très-important, et qui peut influer non-seulement sur leur succès, mais sur leur caractère. Il convient de ne pas trop aller chercher les ouvriers chez eux, dans leur quartier (ils n’aiment pas cela), et aussi de ne pas trop les en éloigner. Le Palais-Royal est un lieu commode ; mais il ne saurait être unique sans inconvénient. Il offre dans son public trop de hasard, trop de mélange et de rencontre. Quatre ou cinq autres lieux sont