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      « Fables de La Fontaine. — Elles amusent ; mais la morale qu’elles expriment déroute parfois les ouvriers ; ils cherchent où est la leçon. Les Fables de Florian, plus directes de marche et d’intention, plaisent peut-être davantage. »

Et en effet encore, la fable pour La Fontaine n’a été le plus souvent qu’un prétexte au récit, au conte, à la rêverie ; la moralité s’y ajuste à la fin comme elle peut. Les esprits droits et logiques (et tout esprit simple l’est aisément), qui comptent trop sur une vraie fable, peuvent être parfois un peu déconcertés. Je poursuis :

      « Chateaubriand. — Grand effet. J’ai analysé les Martyrs et lu plusieurs épisodes. J’ai lu en partie Atala
      « Bernardin de Saint-Pierre. — La Chaumière indienne a fait grand plaisir.
      « Xavier de Maistre. — J’ai lu le Lépreux avec succès.
      « Malherbe. — Le Brun (Ode sur le vaisseau le Vengeur) ; grand plaisir.
      « Boileau. — Deux épîtres, deux ou trois satires ; peu d’effet.
      « Contes en vers d’Andrieux. — Très-applaudis.
      « Paul-Louis Courier. — Quoique j’eusse choisi dans ses œuvres ce qu’il y a de plus général et ce qui sent le moins son œuvre de circonstance, l’effet a été médiocre. Les allusions fines ne portaient pas ; cette politique de la Restauration est oubliée, puis le style travaillé et artificiel gènait les auditeurs.
      « Béranger. — Quelques chansons (Escousse et Lebras, les Souvenirs du Peuple, le Juif errant, etc.) ; de l’effet, mais moins que je ne l’aurais cru : le refrain, heureux quand on chante, gène quand on lit.
      « Ségur. — Fragments de l’Histoire de la Grande Armée ; grand effet.
      « Voltaire. — Histoire de Charles XII, par extraits ; assez d’effet. »

Je ne pousserai pas plus loin cette échelle comparative d’impressions. Dans de telles lectures, notons-le bien, l’épreuve est réciproque : on éprouve dans une certaine mesure l’ouvrage qu’on soumet ; on n’éprouve pas moins les esprits à qui on le soumet. Trop d’artifice, trop d’art nuit auprès des esprits neufs : trop de