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cements, avait risqué le joli conte d’Andrieux, le Procès du Sénat de Capoue, où il est question

D’impertinents bavards, soi-disant orateurs,
Des meilleurs citoyens ardents persécuteurs,


et qui se termine par ce vers :

Français, ce trait s’appelle un avis aux lecteurs !


ce jour-là, pour montrer qu’il n’avait pas d’intention systématique, il lut, comme contre-partie, une pièce de Victor Hugo sur l’aumône, où le pauvre a sa belle et large part.

Pour un curieux qui vient assister à ces Lectures, le spectacle, on le conçoit, est plutôt encore du côté de l’auditoire que du côté du lecteur. À cette époque si rude de la saison, dans une salle de spectacle non chauffée comme celle du Conservatoire, il serait difficile de prendre une juste idée de ce que sont les réunions en temps ordinaire ; l’auditoire se trouve nécessairement très-réduit. Quand le temps est convenable, le nombre des auditeurs va jusqu’à 300 environ ; ce nombre descend, par les soirées rigoureuses, à 80 ou 100 ; on flotte entre ces deux extrêmes. Parmi les ouvriers (qu’on me passe ces détails), ce sont les bijoutiers, les dessinateurs pour étoffes, les mécaniciens, les charpentiers et les menuisiers qui fournissent le plus grand nombre. Il y a très-peu d’ouvriers imprimeurs, soit parce qu’ils sont occupés le soir, soit que la profession les ait déjà rassasiés de lecture tout le jour. Au printemps, quelques ouvriers viennent de très-loin, et quelques-uns avec leur famille.

On ne se douterait pas, à la première vue, qu’il y ait autant d’ouvriers dans l’auditoire ; la plupart, en effet, ont quitté la blouse par un sentiment d’amour-propre