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Ces deux Cours parallèles une fois faits, et tout en se faisant, permettraient beaucoup plus de variété dans les lectures, et une variété utile. Dans l’état actuel, beaucoup de bonnes choses, notez-le, et même d’excellentes, ne se peuvent pas lire, parce qu’elles ne seraient pas suffisamment goûtées et senties : par exemple, d’excellentes pages de Voltaire en histoire. Elles ne mordent pas assez directement et ne trouvent pas d’avance dans l’auditoire un fond de connaissances générales qui les porte. Ce fond général une fois posé, il serait possible d’y rattacher les morceaux qui sont d’une manière plus sobre, modérée et légère, et l’on ne serait pas forcé de se tenir, dans les citations d’histoire, aux auteurs plus tranchés qui ont le relief un peu gros, et qui, avec du feu et de la séve, ne sont pas exempts de déclamation. On aurait toujours de temps en temps recours à du Michelet pour de bons endroits (car il en a), mais là même on le corrigerait par du Voltaire. Rien n’est plus rare que le bon goût, à le prendre en son sens exquis, et je crois que, dans le cas actuel, il ne faudrait viser qu’au suffisant, mais aussi ne jamais perdre une occasion de favoriser l’amour du simple, du sensé, de l’élevé, de ce qui est grand sans phrase. On arriverait quelquefois à faire sentir en quoi le simple peut être supérieur à ce qui frappe plus d’abord. À tel chapitre vanté d’un roman moderne, on opposerait un récit de Xavier de Maistre. Les auditeurs se trouveraient avoir pleuré à l’un, tandis qu’ils auraient applaudi à l’autre. On ne le leur dirait pas (c’est en quoi on ne ferait point un Cours à proprement parler), mais ils se le diraient à eux-mêmes.

Tantôt, dans une même séance, on associerait ce qui a le plus d’analogie ; tantôt on userait du contraste, et ce contraste serait souvent un correctif. Un jour qu’on