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releva jamais depuis, et elle n’eut plus que d’infidèles retours. Au reste, ç’a été un bonheur pour lui et pour nous qu’il ait eu, sur la fin de sa vie, des années de disgrâce : nous y avons gagné un grand historien, et lui un nom immortel. Ce qu’il regardait également comme un malheur de sa première éducation, de n’avoir pas été instruit dès sa jeunesse aux Lettres anciennes, n’a pas moins tourné à son avantage et à la gloire de son originalité d’écrivain. Il n’avait pas eu plus d’éducation que M. de La Rochefoucauld, pas d’autre que celle des hommes et des choses ; aux esprits bien faits c’est la meilleure, et elle suffit.

Commynes justifie tout à fait pour moi le mot de Vauvenargues : « Les vrais politiques connaissent mieux les hommes que ceux qui font métier de philosophie : je veux dire qu’ils sont plus vrais philosophes. » Mais, pour cela, il faut que ce soient de vrais politiques en effet, et il en est peu qui justifient ce titre à l’égal de Commynes. Dans un temps où tout le monde se croit propre à la politique, il ne serait pas mal d’aller regarder en lui quelles sont les qualités requises chez ceux que la nature a destinés à cette rare science.