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tionner : donc le Christianisme est vrai, non pas d’une vérité politique et relative, comme l’admettent bien des gens, mais d’une vérité supérieure et divine : toute autre vérité secondaire serait un compromis et une sorte de malentendu indigne et de la confiance de l’homme et de la franchise de Dieu. C’est ainsi qu’il fut ramené aux croyances catholiques par ses croyances sociales, et que son esprit fit le premier pas. Mais l’élan de son cœur qui cherchait pâture, et, à son insu, l’essor de son talent qui cherchait carrière, firent le reste et abrégèrent le chemin.

Il a peint à ravir la paix, l’espèce de rajeunissement qu’on éprouve dans les premiers jours, lorsqu’au sortir du monde on entre au séminaire, et qu’on y retrouve son enfance de cœur, la docilité de ses jeunes années, la règle austère, toutes choses simples dont on a désormais la conscience réfléchie et le doux mérite. Je pourrais citer de lui là-dessus des pages charmantes, poétiques, écrites pour un ami et placées dans un livre où l’on ne s’aviserait guère de les démêler. Mais il me faut arriver au principal. Il conserva sous son habit nouveau les sentiments d’amour de la liberté qu’il avait puisés dès l’enfance dans l’air du siècle, et qu’il n’a jamais séparés depuis de l’idée vitale du Christianisme.

Il rendit témoignage de ce sentiment dès l’instant où il commença à se produire devant le public : c’était auprès de M. de Lamennais, au lendemain de 1830. Il crut que l’œuvre que M. de Lamennais tentait alors dans le journal l’Avenir, était d’un intérêt général et décisif pour le moment. Jusque-là, on s’était accoutumé à confondre l’idée religieuse catholique avec l’idée de pouvoir politique et de légitimité. La Restauration avait tout fait pour établir cette confusion dans les esprits. On était catholique et royaliste par le même train d’opinion,