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vu pour la première fois chez Mme  de Staël, en 1801 ; elle le revit pour la seconde fois en 1816 ou 1817, vers le temps de la mort de Mme  de Staël, et chez celle-ci encore. Mais ce n’avaient été là que des rencontres, et la liaison véritable ne se noua que tard, dans le temps où M. de Chateaubriand sortit du ministère, et à l’Abbaye-aux-Bois.

Il y aurait aussi un chapitre à faire sur la liaison étroite avec Benjamin Constant, laquelle date seulement de 1814-1815. Les lettres de celui-ci, adressées à Mme  Récamier, y aideraient beaucoup ; mais elles seraient très-insuffisantes, au point de vue de la vérité, si l’on n’y ajoutait la contre-partie, ce qu’il écrivait pour lui seul au sortir de là, et que bien des gens ont lu, et enfin si l’on n’éclairait le tout par les explications de moraliste qui ne se trouvent point d’ordinaire dans les plaidoiries des avocats. Mais cela me rappelle qu’il y a tout un fâcheux procès entamé à ce sujet, et j’ai hâte de me taire.

Avant le chapitre de Benjamin Constant, il y aurait encore à faire celui du voyage d’Italie en 1813, le séjour à Rome, la liaison avec Canova, le marbre de celui-ci, qui cette fois, pour être idéal, n’eut qu’à copier le modèle ; puis le séjour à Naples auprès de la reine Caroline et de Murat. Ce dernier, si je ne me trompe, resta quelque peu touché. Mais c’est assez de rapides perspectives.

Quand Mme  Récamier vit s’avancer l’heure où la beauté baisse et pâlit, elle fit ce que bien peu de femmes savent faire : elle ne lutta point ; elle accepta avec goût les premières marques du temps. Elle comprit qu’après de tels succès de beauté, le dernier moyen de paraître encore belle était de ne plus y prétendre. À une femme qui la revoyait après des années, et qui lui faisait com-