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culte, il a hautement pris position dans la pure critique littéraire.

M. Cousin, tout occupé de la perfection, et avec ce sentiment du mieux qui est l’âme des grands talents, a revu et recueilli pendant les années dernières ses Cours et fragments de philosophie en une douzaine de petits volumes, quelquefois charmants malgré le sujet, ou du moins remplis de variété et d’intérêt. La littérature aurait droit déjà d’en revendiquer une bonne part ; il y a surtout de certaines pages sur le beau qui sont des plus mémorables entre les belles pages de notre langue. Mais c’est dans ses travaux littéraires directs qu’il nous est plus commode d’aborder M. Cousin, et cela importe d’autant plus que, depuis quelque temps, ce puissant esprit a fait toute une révolution dans la critique. Cette révolution, en deux mots, est celle-ci :

Le siècle de Louis XIV est déjà bien loin de nous ; pourtant, jusqu’en des temps très-rapprochés, les écrivains corrects, ceux qui aspiraient au titre de classiques, se flattaient non-seulement de le rappeler, mais de le continuer. MM. Auger et Roger, et bien d’autres, avaient cette illusion naïve. Le jour où l’on osa dire pour la première fois que la littérature de Louis XIV était une littérature admirable, mais ancienne, ce furent des cris et un scandale dont il me souvient encore. Déjà, en 1818, un écrivain peu populaire, mais élevé (Ballanche), s’était avisé de dire : « Notre littérature du siècle de Louis XIV a cessé d’être l’expression de la société ; elle commence donc à être déjà pour nous en quelque sorte une littérature ancienne, de l’archéologie. » Eh bien ! la révolution introduite par M. Cousin dans la critique littéraire consiste précisément à traiter la période du xviie siècle comme si elle était déjà une antiquité, à en étudier et, au besoin, à en restaurer les monuments, comme on