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nault, le président de Maisons, le comte des Alleurs, et le fils de Bussy, cet évêque de Luçon qu’on proclamait le Dieu de la bonne compagnie et plus aimable que son père. Ce serait là le cortège d’Hamilton. Joignez-y Mme Du Deffand. En lui dédiant l’édition de luxe à cent exemplaires qu’il fit imprimer des Mémoires de Grammont, Horace Walpole lui disait à bon droit qu’elle en rappelait l’auteur pour les agréments et la qualité de l’esprit.

Hamilton mourut à Saint-Germain le 21 avril 1720, âgé d’environ soixante-quatorze ans, dans de grands sentiments de piété, dit-on, et après avoir reçu les sacrements ; il redevint un homme du xviie siècle à l’article de la mort. Quelques Réflexions en vers, qu’on trouve à la fin de ses poésies, attestent, en effet, qu’il eut son jour de repentir sincère, comme La Fontaine. Je lis dans les Anecdotes littéraires de l’abbé de Voisenon, un mot sur Hamilton, qui aurait besoin d’éclaircissement : « Le comte de Caylus, qui le voyait souvent chez sa mère, dit cet abbé, m’a certifié plus d’une fois qu’il n’était point aimable. » Se peut-il qu’Hamilton n’ait point été aimable en société, et, malgré toutes les attestations du monde, le voudra-t-on croire ? Hamilton, quand le comte de Caylus le vit chez sa mère, était vieux, fatigué peut-être ; de tout temps, d’ailleurs, on le conçoit volontiers capricieux, d’humeur assez inégale, comme l’était sa sœur ; il avait ce coin de singularité dont parle Saint-Simon. Il nous dit quelque part qu’il sait très-bien se taire, ou plutôt qu’il n’aime pas trop à parler. Avec sa causticité malicieuse et cette lèvre fine qu’on lui connaît, il avait besoin qu’on fît silence autour de lui, et quand Caylus le vit chez sa mère, il y avait sans doute un peu trop de bruit et de jeunesse ce jour-là.