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dans la chronique du temps. Parlant de l’expédition du Prétendant en 1708, et des seigneurs qui devaient en être, Saint-Simon cite confusément Hamilton : « Les Hamilton, dit-il, étaient frères de la comtesse de Grammont, des premiers seigneurs d’Écosse, braves et pleins d’esprit, fidèles. Ceux-là, par leur sœur, étaient fort mêlés dans la meilleure compagnie de notre Cour ; ils étaient pauvres et avaient leur bon coin de singularité. » Voilà donc notre Hamilton confondu avec les autres de sa famille, et, pour toute distinction dans le signalement, on leur accorde à tous un bon coin de singularité. Nous en serions restés là avec lui si, déjà vieux, en 1704, il ne s’était avisé, pour divertir le comte de Grammont âgé de plus de quatre-vingts ans et toujours aimable, d’écrire les aventures de jeunesse de celui qui était alors le chevalier de Grammont, et de se faire son Quinte-Curce et son Plutarque en badinant.

C’est aujourd’hui le seul ouvrage d’Hamilton qu’on doive relire ; car pour ses vers et même pour ses Contes, il en faut peu parler. Ses vers, loués pourtant de Voltaire qui s’est chargé de les faire oublier, loués même par Boileau qui dut écrire cette lettre de politesse en grondant, sont tout à fait passés pour nous et à peu près illisibles ; ce ne sont qu’enfilades de rimes où se détache un trait heureux par-ci par-là. Comment se fait-il que, dans les ouvrages d’esprit qui ont plu en naissant à de bons juges, il entre ainsi toute une partie qui se mortifie avec le temps et qui passe ? Il y a du Voiture dans chaque homme d’esprit qui n’est que cela ; j’appelle Voiture cet esprit de mode qui n’a qu’une saison et qu’un souffle fané ; il y a beaucoup de Voiture dans les vers d’Hamilton.

Ne demandez pas la pure poésie à Hamilton. Il a celle de son temps dans le badinage ; il sait la dose de