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Me revêt de splendeur. — La Furie Alecton,
Noire comme la nuit, sèche comme un bâton,
Serait méconnaissable à l’œil le plus sagace ;
Elle est Nymphe de pied en cap, Nymphe de race !
— Lasse à la fin de faire endurer des tourments
Aux morts, je veux aussi tourmenter les vivants,
Et l’amour malheureux est leur plus grand supplice !
C’est pourquoi j’ai voulu la beauté. — Mon caprice
A fait rire Pluton sur son trône de jais.
— Je te donne congé, m’a-t-il dit. Va-t’en ! mais
Crains les jeunes amants dont la fierté superbe
Fleurira sur tes pas comme chardons dans l’herbe !
Qu’un seul prenne un baiser sur ton joli menton
Et la Nymphe aussitôt redevient Alecton.
— Un baiser ! et pourquoi le laisserais-je prendre ?
Parce que je suis belle, en serai-je plus tendre ?
Je méprise l’amour : son charme tant vanté
Me semble fade ainsi que l’eau du froid Léthé.
Des feux s’allumeront aux rayons de ma face,
Mais ils ne fondront pas mon cœur : il est de glace
À jamais…