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d’un stylet privé de vie, mais par l’opération même du Saint-Esprit. Enfin qu’il me soit fait comme il n’a jamais été fait à personne avant moi, et comme il ne le sera point non plus après moi. Autrefois Dieu a parlé aux patriarches et aux prophètes de bien des manières, car on dit que la parole de Dieu s’est produite dans l’oreille de ceux-ci, dans la bouche de ceux-là et dans les mains de ces troisièmes, pour moi je demande à Dieu qu’il se produise dans mon sein selon votre parole. Je ne veux point qu’il se produise comme le verbe dans le discours, le signe dans les figures, ou la vision dans les songes, mais qu’il vienne en moi en silence, qu’il s’y incarne en personne, qu’il se trouve corporellement dans mes entrailles. Que le Verbe donc qui ne pouvait et n’avait pas besoin d’être fait en lui-même, me fasse la grâce de se faire en moi et pour moi selon votre parole. Qu’il soit fait en général pour tout le monde, mais qu’il me soit fait à moi en particulier selon votre parole.




Saint Bernard s’excuse d’avoir entrepris après tant d’autres, de commenter ce passage de l’Évangile.

J’ai expliqué du mieux que j’ai pu le passage de l’Évangile qui a été lu : je n’ignore pas que la manière dont je l’ai fait ne plaira point à tout le monde, je suis même certain que je m’attirerai par là les critiques de bien des gens dont les uns trouveront que ce que j’ai fait était bien inutile, tandis que d’autres jugeront que c’était bien présomptueux à moi, d’oser venir expliquer à mon tour un passage de l’Évangile que les saints Pères ont si amplement exposé avant moi. Mais pour moi, je pense que si ce que j’ai dit après les Pères de l’Église n’est pas contraire à ce qu’ils ont dit eux-mêmes, personne n’a le droit de le trouver mauvais. Or, si je n’ai dit que ce que j’ai appris des Pères, pourvu que l’enflure de l’orgueil n’ait pas en moi étouffé le fruit de la piété, je me consolerai facilement des critiques qu’on pourra diriger contre moi. Pourtant, je veux que ceux qui me reprocheront d’avoir fait une exposition superflue, inutile même de ce passage de l’Évangile, sachent bien que je n’ai eu d’autre pensée que de prendre occasion de ces lignes pour parler de choses qu’on est toujours heureux de répéter. Si je suis répréhensible, en ce que j’ai cédé dans cette circonstance, plutôt aux tendances de ma dévotion qu’à la pensée du bien que les autres pouvaient en recueillir, la bonne Vierge est assez puissante pour excuser cette faute auprès de son miséricordieux Fils, car c’est à elle que je consacre cet opuscule, si peu qu’il vaille, avec la plus grande dévotion.