Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quel démon, quelle furie
Vous a mise en tel estat ?
Helas ! pourroit-on bien croire
Que celle de qui la gloire
Serait chérie aui enfers,
Et dont les beautez extresmes
Captiveraient les dieux mesmes,
Fust maintenant dans les fers ?

À cette juste semonce
Faite avec mille regrets,
Elle ne rend pour responce
Que gemissemens secrets ;
Mais son cœur en ce silence,
D’une douce violence
Faisant mouvoir son beau sein,
Semble, tant ce poinct le touche.
S’en fascher contre sa bouche,
Et s’enfler à ce dessein.

Il craint qu’il ne soit capable
De faire croire, en effet.
Qu’elle puisse estre coupable
De quelque horrible forfait ;
Et pour prévenir le blasme
Que peut engendrer en l’ame
Un si dangereux soupçon,
Après s’estre un peu forcée,
Elle addresse au beau Persée
Sa plainte en cette façon :

— Qui que vous soyez, dit-elle,
Que le sort guide en ces lieux,
Soit de la race mortelle,
Soit de la troupe des dieux ;
Je dy le sort, non l’envie
De venir sauver ma vie