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Qui tant de faux desseins embrassa
En ce lieu propre à l’en punir
Sera receu de bonne grâce,
S’il nous oblige d’y venir.

Tantost, après minuict sonné,
Avant chez moy fait la retraitte,
D’un soing aux muses adonné,
J’escry comment Amour me traitte.
Tantost mesprisant son pouvoir,
Quoy que sans yeux, je luy fay voir
Par quel moyen on le surmonte,
Je me guery des maux souffers,
Et d’une genereuse honte
Ma raison brise tous ses fers.

Tantost, d’un son qui me ravit
Et qui chasse toute manie,
La saincte harpe de David
Preste à mon lut son harmonie.
Puis, jusqu’à tant que le sommeil,
Avec un plaisir sans pareil,
Me vienne siller la prunelle,
Je ly ces sacrez Testamens
Où Dieu, d’une encre solemnelle,
Fait luire ses hauts mandemens.

Tantost, levé devant le jour,
Contre ma coustume ordinaire,
Pour voir recommencer le tour
Au celeste et grand luminaire,
Je l’observe au sortir des flos,
Sous qui la nuit, estant enclos,
Il sembloit estre en sépulture ;
Et, voyant son premier rayon,
Beny l’autheur de la nature,
Dont il est comme le crayon.