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Je m’entretiens avec Thetis
Des poissons et grands et petis
Que de ses vagues elle enserre,
Et ne puis assez admirer,
Voyant les bornes de la terre,
Comme elle les peut endurer.

Mais elle m’en dit la raison :
C’est que le respect qu’elle porte
À Dieu, qui l’a mise en prison,
Ne luy permet pas qu’elle en sorte.
Il suffit qu’elle ait autrefois
Logé ses monstres dans les bois
Pour aider à punir nos crimes,
Et qu’elle ait surpassé les monts,
Pour nous plonger dans les abismes
Où trebucherent les demons.

Là dessus, me representant
Les tristes effets du deluge,
Quand au premier logis flotant
Le genre humain eust son refuge,
Je feins un pourtrait à mes yeux
Du bon Noé chery des cieux,
Pleurant pour les pechez du monde,
Et m’estonne, à voir tout perir,
Qu’enfin, au lieu d’accroistre l’onde,
Des larmes la firent tarir.

Puis, voyant passer devant moy
Une colombe à tire-d’aile,
Aussi tost je me ramentoy
L’autre qui luy fut si fidele ;
J’estime que le sainct Esprit
Dèslors cette figure prit
Pour r’asseurer sa foy craintive,
Et qu’entre cent arbres espais