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tre touchée de quelque desir d’en gouster les delices ? L’Andromede et l’Arion, sont-ce pas d’assez hardis essais de ce fort genie pour faire esperer a nostre langue un poëme heroïque ! Enfin, tant d’autres beau poëmes, ou pour l’amour ou pour la joye, et qui sont par tout embellis des vrays omemens de l’art et des richesses de la nature, doivent-ils pas faire confesser à tout le monde que monsieur de Saint-Amant merite autant qu’aucun autre qui ait jamais esté le tiltre de vray poëte ?

L’estroite amitié qui s’est inviolablement conservée entre nous depuis plusieurs années ne sçauroit, devant de bons juges, rendre ce discours suspect d’aucune flatterie. Je voudrois bien que ce fust icy un lieu à propos de parler aussi bien de la bonté de ses mœurs comme de la bonté de ses œuvres ; mon inclination s’estendroit bien volontiers sur ce suject. Et combien qu’il m’ait fait passer pour vieux et grand beuveur dans ses vers, avec la mesme injustice qu’on a escrit dans tous les cabarets le nom de Chaudière[1], qu’on dit qui ne beut jamais que de l’eau, si est-ce que, pour me venger agreablement de ces injures, je prendrois plaisir à publier qu’il a toutes les vertus qui accompagnent la generosité. Mais il m’arrache luy mesme la plume de la main, et sa modestie me defend d’en dire davantage.


  1. Je n’ai rien trouvé sur ce personnage, qui, comme Voiture, ne buvoit que de l’eau.