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Puis seuls à seuls, et faisans les cruels,
Charmant les yeux de leurs petits duels.
Tantost ensemble, et privés et farouches,
Ils viennent prendre ou des vers ou des mouches
Qu’à leur beau bec offre une chere main,
Et puis des doigts se desrobent soudain
Pour les porter à leur douce nichée
Dans les rameaux evidente et cachée,
Que ce regal esmeut et resjouit,
Et dont enfin sa tendre faim jouit ;
Tantost, pendus au fil qui les enserre
Et qui par haut regne sur le parterre
D’un beau jardin où tiennent lieu de fleurs
Des vifs tresors de leurs riches couleurs,
Mille plaisirs ilz donnent et reçoivent ;
Ils branlent l’aile, et, bien qu’ils s’apperçoivent
De leur prison par un fil mis sur eux,
De voir le ciel ils s’estiment heureux ;
Tantost dans l’onde, où brille leur image,
Noyans leur soif et baignans leur plumage,
Ils meurent d’aise, et pensent en ces eaux
Sein contre sein baiser d’autres oyseaux ;
Tantost surpris d’une approche indiscrets
Qui les effraye en leur loge secrette,
Ils gagnent l’air d’un vol pront et bruyant,
Et tout le gros alarment en fuyant ;
Tantost en file ils passent et repassent,
Tantost en globe à l’instant ils s’amassent,
Et font ainsi tout autour des buissons
Un tourbillon de plumes et de sons.
Bref, j’ay trouvé la voliere si belle,
Que sur le lieu j’en prendray le modelle,
Et suis certain qu’il ne desplaira pas
Au grand objet où viseront mes pas.
Pleust aux bons dieux qu’il fust aussi facile