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 :L’œil peut-il voir rien de plus ridicule
Qu’un de nos preux à la taille d’Hercule,
Avec sa teste, autresfois non à luy,
Teste qu’on oste et serre en un estuy,
Teste de poil qui, de poudre couverte,
Assez souvent couvre une teste verte,
Et couvre encore et laine, et soye, et lin,
De plus de fleur qu’il n’en sort d’un moulin,
Et que tant d’art, faut de soin accompagne,
Que si l’honneur d’estre fait grand d’Espagne
À l’ajusté se daignoit mesme offrir,
Je ne croy pas qu’il voulust le souffrir ?
Est-il enfin quelque objet plus estrange
Que de le voir mandier la louange
De la beauté, des graces, des appas ?
Que de le voir, mesme dans le repas,
Pour contempler et ses lys et ses roses,
Faire partout miroir de toutes choses,
Et, sans respect ny des roys ny des dieux,
Insolemment se poignet eu tous lieux[1] ?
Que de le voir, dis-je, mettre en usage
La mousche feinte en son fade visage[2]

  1. Les courtisans fanfarons ont toujours un peigne à la main, dit Furetière en manière d’exemple. — « C’est une très grande indecence de se peigner dans l’eglise.…Il faut sortir pour cela. » (Traité de la civilité qui se pratique en France parmy les honnestes gens)
  2. « Il sera encore permis la nos galands de la meilleure mine de porter des mouches rondes et longues, ou bien l’emplastre noire assez grande sur la temple, ce que l’on appelle l’enseigne du mal de dents. Mais, pource que les cheveux la peuvent cacher, plusieurs ayans commencé depuis peu de la porter au dessous de l’os de la joue, nous y avons trouve beaucoup de bienseance et d’agrement. » Les Loix de la galanlerie, dans le Nouveau recueil des pièces la plus agreables de ce temps, in-8, Paris, Sercy, 1644.)