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Et m’engageent, contre mon dessein mesme,
En des desseins d’une hauteur extresme,
Où les dangers s’offrent de tous costez,
Où les honneurs aussy sont aprestez,
Me fait souvent, en despit que j’en aye,
Paroistre brave, essuyer mainte playe,
Et revenir le laurier sur le front
D’où je pouvois recevoir quelque affront.
Laissons-nous donc transporter à la verve,
Mais toutesfois d’un air qui se conserve
Dans l’agreable et le majestueux,
Et qui rapporte un plaisir fructueux.
Ne pense pas que, pour te faire rire,
En libres vers j’aille icy te descrire
Les Catalans, ces terribles poulets,
Leurs grands chapeaux, leurs estranges colets,
De leurs habits la matiere et la forme,
De leurs moitiez le guard’infant[1] enorme,
Leurs actions, leurs coustumes, leurs mœurs,
Ny de leur foy les bizarres humeurs ;
Ne pense pas que je vueille depeindre
Leurs lits infects, au sommeil mesme à craindre.
Ny de leur table et de ses beaux ragousts
L’appareil chiche, ou soit aigre ou soit dous.
Quand j’ay tout veu, je trouve, à le bien prendre,
Que peu de chose au monde est à reprendre,
Et que l’usage en chaque nation
Porte avec soy son approbation.
Qu’il ne soit vray, je t’en donne un exemple
Assez plausible, assez fort, assez ample
Pour le prouver et faire consentir
Qui sur ce point m’oseroit desmentir.

  1. Guard’infant, c’est une espece de vertugadin monstrueux. (S.-A.)