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Leur sourde voix, encore qu’effroyable,
Tasche à nous faire un bon-jour agreable,
Et selon l’ordre, en accent de hybou,
Frappe l’oreille avec un triple hou !
L’airain creusé de la claire trompette
En mesme temps un autre son repette ;
Le canon tire et des mousquets amis
Les feux sans plomb dans les airs sont vomis.
Tout aussi-tost un ouvrage superbe,
Un tissu blanc, qui jadis fut de l’herbe,
Orne en carre les ais où l’appetit
Dans les ragous s’enflame et s’amortit ;
De mets divers on l’honore, on le couvre ;
Chacun s’y range, et, cependant qu’on ouvre
La pronte bouche au manger froid ou chaut,
Près du pilote, assis en un lieu haut,
Mille yeux beants qui d’avidité luisent
Tous nos morceaux jusqu’à nos dents conduisent,
Voire plus outre, et d’un maigre plaisir
La maigre chourme irritte son desir.
Comme par fois, proche de quelque table,
Le morne dogue au front espouventable,
Après maint geste, après avoir en vain
Dans ses regards fait eclater sa faim,
Sans qu’un aboy l’ait pourtant ose dire,
Obtient enfin, sous la chaisne qu’il tire,
Soit de son maistre ou de quelque estranger,
Avec ardeur quelque chose à ronger ;
Ainsy quelqu’un d’entre l’esclave trouppe
Qui nous observe, et jeusne quand on souppe,
Reçoit quelque os par l’un de nous jetté,
Et le savoure en grande volupté.
Là pour nous plaire, un des braves de Malte,
Dont la franchise est digne qu’on l’exalte,