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Ne sçauroit plus se retenir,
Et comme un bon gros Tiresie
Je vay donner dans l’advenir.

Mais d’où diantre peut desriver
Cette humeur chaude et profetique
Qui dans mon timbre lunatique
Vient tout à coup de s’eslever ?
Je n’ay point de laurier[1] en gueule :
Ma dent, en guise d’une meule,
Icy n’en a point ecaché[2].
Ha ! c’est donc de la vertu seule
Du fin tabac que j’ay masché.

Il me semble que j’entrevoy,
Dans la nuit des choses futures,
Un fou tenter des avantures
À se faire mocquer de soy.
L’Espagnol sur mainte rambade[3]
Nous voudra donner une aubade
À la barbe du beau Menton[4] ;
Mais luy-mesme y fera gambade,
Rudement payé ton pour ton.

À peine, ô honte ! aura-t’il veu
Le fer bruyant en forme ronde
Faire des ricochets sur l’onde,

  1. Le laurier étoit consacré à Apollon, et par conséquent aux poètes et aux devins. — Les poètes ont été souvent appelés mâche-laurier.
  2. Broyer, écraser.
  3. Rambade, le lieu de la galere où se mettent les soldats pour combatre. (S.-A.)
  4. Menton, chasteau de plaisance sur le bord de la mer. (S.-A.) — La ville la plus importante de la principauté de Monaco après la capitale.