Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/299

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que l’histoire raconte par la bouche de la fidelité, mesme tout ce que la mer et la terre tous ont veu faire de hardy et d’estrange, soit que la poésie, sans avoir besoin de s’ayder de ses nobles impostures, vous fasse sauter à cheval par dessus un effroyable retranchement, comme un Mars que l’Espagnol crut s’estre elancé de sa sphere pour venir fondre sur luy et le chastier de son audace, qui est-ce qui ne tiendra et l’un et l’autre récit également fabuleux ? Ouy, Monseigneur, il faut de nécessité absolue, ou que l’on ne croye pas la moindre de vos actions, ou que tout ce que les romans ont dit de leurs paladins et de leurs chevaliers passe pour véritable. Je n’ay point de peur d’estre suspect de flaterie en parlant de la sorte : il n’y a personne qui ne soit de mon sentiment et qui ne souscrive à mon opinion, et, connoissant vostre rare modestie au poinct que j’ay l’honneur de la connestre, j’oserois affirmer que, quand on ne croiroit rien de tout ce que vous avez fait et qu’on n’en parleroit jamais non plus que tous, vostre vertu, qui ne cherche de satisfaction que dans elle-mesme, seroit aussi contente que si on tous donnoit des louanges immortelles, on qu’on tous erigeast des statues de marbre et de bronze par toutes les places publiques. Toutefois, ô mon prince magnanime ! après tout ce que j’ay dit sur la peine qu’aura la postérité à croire les grandes choses que tous avez exécutées, puis que ceux mesmes lesquels ont eu le bonheur d’en estre les tesmoins dementent presque leurs propres yeux, je trouve qu’il y va trop de l’interest du ciel pour n’espérer pas qu’il en