Page:Saint-Amant - Œuvres complètes, Livet, 1855, volume 1.djvu/279

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Oncques ne va sans sa sequelle,
Dueil, dam, dol, peur, mort, froid, soif, faim,
Honte, chagrin, rancœur, mes-haing,
Paresse, desespoir, envie,
Et de tous les maux de la vie,
Malgré moy me contraignent à
Laisser ton œil, qui m’empesta.
Au moins, ô ma chere Sybile !
N’aye la memoire labile :
Remembre-toy de ton costé
De ton pauvre rimeur crotté,
Et du mien j’auray pour hostesse
Dans le chief ma haute poetesse,
Dont les escrits, comme mes vers,
Sont les torches de l’univers ;
Remembre-toy des serenades
Qu’en mes nocturnes promenades,
Accompagné d’un bielleur
Aveugle, afin que deceleur
De nos amours il ne pust estre,
Discretion (qui reconnestre
Se doibt bien) je t’ay si souvent
Donnée à la pluye et au vent ;
Rememore-toy davantage,
Que quoy qu’en un douziesme estage
Tu te gistes proche du ciel,
Et c’est pourquoy, mon tout, mon miel.
Cy-devant haute t’ay nommée,
Toutesfois, d’une ame charmée
N’ay pas laissé, grimpant en ours,
De te visiter tous les jours.
Item, recorde-toy qu’en somme,
Malgré ce que ce diable d’homme,
Cette bedaine d’Allemand,
Ce fin railleur, ce faux Normand,